Nous allons d’abord présenter des données provenant de Statistique Canada qui englobent les magazines d’intérêt général, les publications d’affaires et professionnelles, les revues savantes et religieuses, les guides immobiliers, les horaires de télévision, etc. Les premiers ne désignent que 39 % des titres, mais constituent 76 % des exemplaires imprimés diffusés. Les publications de langue française forment 13 % de l’ensemble. L’agence fédérale ne fournit aucune précision concernant les revenus, les dépenses, les marges bénéficiaires de l’une ou l’autre catégorie de ces périodiques. Dans un second temps, nous allons justement nous attarder aux recettes publicitaires des seuls magazines d’intérêt général en utilisant des sources distinctes, Thinktv et Infopresse, qui reprennent Ad Dynamics et Numerator. Ces organisations rapportent des données annuelles, alors que l’enquête de Statistique Canada n’est dorénavant menée qu’une année sur deux.
Au Québec
En 2021, année la plus récente pour laquelle Statistique Canada publie des données1, les revenus et les dépenses d’exploitation au Québec s’inscrivent nettement à la baisse comparativement à l’année 2013. Tous deux ont chuté de plus de la moitié (56 % pour les revenus et 58 % pour les dépenses) pendant ces cinq années, soit 242 millions pour les recettes et 235 millions du côté des débours. Par rapport à la meilleure année de l’industrie depuis 2003, soit l’année 2008, les entrées d’argent ont fondu de 63 %.
1. Revenus et dépenses d’exploitation des magazines au Québec*
Bien que les entrées d’argent aient continué à baisser, l’écart entre les revenus et les dépenses s’est légèrement élargi en 2021. Après une longue période d’écarts plutôt ténus entre revenus et dépenses, culminant en seulement une dizaine de millions de différence en 2019, ce sont désormais 27 millions qui séparent les deux en 2021. La marge bénéficiaire reflète bien cette remontée : alors qu’elle flottait à moins de 10 % depuis 2013 — frappant son taux le plus bas de 5 % en 2019 — la marge a frôlé 14 % en 2021. Elle était presque toujours supérieure à 10 % entre 2006 et 2011, la seule exception étant l’année 2009 qui a été marquée par une récession2.
2. Évolution de la marge bénéficiaire d’exploitation des magazines au Québec*
Les revenus attribuables à la publicité et à la vente d’exemplaires sont les principales sources de revenus des magazines au Québec comme au Canada. En 2021, la combinaison de ces revenus a atteint 132 millions de dollars pour l’ensemble des magazines québécois, une importante réduction (110 millions, 46 %) par rapport à l’année 2015. Les recettes tirées des annonceurs ont chuté de 59 % et celles de la vente d’exemplaires de 27 %. Pour la première fois, les revenus de diffusion dépassent ceux de la publicité. Comme le montre le graphique ci-dessous, la baisse est constante depuis 2007 : elle se monte à 82 % au regard de la publicité et à 54 % en ce qui concerne la diffusion.
3. Revenus de publicité et de diffusion des magazines au Québec*
Un regard de plus près révèle qu’entre 2017 et 2021, la chute des revenus du papier a continué à entraîner ces deux sources de revenus à la baisse. Du côté de la publicité, alors que les revenus provenant des formats traditionnels ont chuté de moitié, diminuant de 43 millions, ceux provenant du numérique ont stagné autour de 10 millions de dollars. Dans le cas des revenus provenant de la diffusion, la baisse totale est moins marquée, tant parce que les revenus traditionnels ont perdu moins de terrain (diminuant d’environ 20 %, soit 15 millions de dollars) que parce que les revenus numériques compensent aux deux tiers pour la perte, augmentant de 10 millions de dollars en quatre ans. Ainsi, en 2021, le numérique représente désormais 25 % des revenus publicitaires et 17 % des redevances provenant des lecteurs, une augmentation respective de 15 et de 14 points en quatre ans.
4. Revenus traditionnels et numériques de publicité et de diffusion des magazines au Québec de 2017 à 2021*
Les magazines québécois comptent sur d’autres sources pour financer leurs activités. Celles-ci stagnent à 62 millions de dollars depuis 2017, accusant une baisse comparativement à 2015 alors qu’elles s’élevaient à 77 millions (-19 %). Il s’agit notamment de subventions que verse le gouvernement fédéral par l’intermédiaire du Fonds du Canada pour les périodiques. Ce Fonds dispose d’une enveloppe de 76 M$ pour l’ensemble du Canada3. Il vient également en aide à des journaux payants non quotidiens. Cette aide représente une part importante des recettes de nombreux magazines. Québecor l’évalue à 21,1 % pour la totalité de ses titres en 20224.
Certaines revues bénéficient du soutien d’organismes ou d’institutions. D’autres impriment des documents pour des tiers ou tiennent des évènements.
Si l’on s’en tient aux entrées de fonds provenant soit des annonceurs, soit des lecteurs, les titres québécois tirent, en 2021, 56 % de leurs revenus de la vente d’exemplaires, que ce soit par abonnement ou en kiosque, et 44 % de la publicité.
Attardons-nous aux revenus publicitaires des publications d’intérêt général ou grand public.
5. Revenus publicitaires des magazines d’intérêt général au Québec
Les annonceurs ont continué d’alléger les budgets qu’ils affectent à l’achat d’espace dans ces publications en 2021. Une diminution de 88 % depuis le sommet de 2007, les revenus de 2021 stagnent par rapport à ceux de 2020. Toutefois, ces chiffres plus récents étant projetés à partir des données canadiennes, nous ne pouvons savoir si la baisse se fait différemment sentir au Québec. De plus, presque l’ensemble des publications ont abaissé leur nombre de parutions. Mais la descente s’est amorcée bien avant.
Des données plus récentes permettent de penser que les recettes provenant de la publicité ont continué leur descente en 2022. En effet, Québecor, qui est l’entreprise la plus importante dans ce domaine au Québec, a vu ce type de revenus baisser de 16 % au sein de ses magazines6.
Plusieurs titres ont cessé de paraître depuis le début des années 2010 : Le Lundi, Madame, Femmes d’aujourd’hui, Chez soi, Décormag, Fleurs, plantes et jardins, Loulou ainsi que Moi & Cie. Par contre, les magazines Cinq ingrédients 15 minutes, Véro et Cuisine futée ont fait leur apparition.
Pendant l’année 2021, les entreprises qui achètent de la publicité ont consacré 0,5 % de leurs budgets aux magazines. Cette part s’élevait à 8,8 % en 2003. Ces publications se classent au sixième et dernier rang à ce titre, derrière les hebdomadaires qui occupent la cinquième place et captent 3,9 % des sommes dépensées par les annonceurs.
Au Canada
Au Canada, les revenus et les dépenses d’exploitation des magazines ont atteint, respectivement 983 et 891 millions en 2021. Il s’agit dans le premier cas d’une baisse de 16 % en regard de l’année 2019 et de 25 % par rapport à 2017. Les sommes décaissées ont diminué de manière similaire, soit de 18 % comparativement à 2019 et de 25 % relativement à 2017. Rappelons notamment que le nombre de parutions papier s’est resserré chez les populaires titres de langue anglaise Chatelaine, Maclean’s et Today’s Parent pendant que les Sportsnet Magazine, MoneySense, Canadian Business et Flare sont passés entièrement au numérique.
6. Revenus et dépenses d’exploitation des magazines au Canada*
Comme les dépenses au Canada en 2021 ont été moins comprimées qu’au Québec, la marge bénéficiaire a fait un moins grand saut au pays que dans la province, passant seulement de 7,2 % à 9,3 % de 2019 à 2021 — une augmentation de 2 points seulement, plutôt du saut de presque 9 points au Québec.
7. Évolution de la marge bénéficiaire d’exploitation des magazines au Canada*
Les sommes émanant des annonceurs et des lecteurs n’expliquent que les trois quarts des recettes d’exploitation. Les entreprises obtiennent également des fonds de la tenue d’évènements, d’activités d’impression et de subventions du gouvernement fédéral et d’autres institutions. De 2019 à 2021, les revenus publicitaires ont fléchi de 26 % et ceux découlant des abonnements et des ventes à l’unité de 10 %. Au cours de la période allant de 2017 à 2021, les annonces ont chuté de 32 % et la vente d’exemplaires de 22 %.
8. Revenus de publicité et de diffusion des magazines au Québec*
En regardant le numérique et le papier de plus près de 2017 à 2021, on voit la même tendance au Canada qu’au Québec : alors que la publicité numérique stagne et la diffusion numérique augmente, la chute des revenus du papier entraîne ces deux sources de revenus à la baisse. Du côté de la publicité, les revenus provenant des formats traditionnels ont chuté de 39 % (soit 193 millions), alors que ceux provenant du numérique ont à peine varié de 2 % (soit par une perte de 2 millions de dollars). Pour ce qui est de la diffusion, les revenus traditionnels ont aussi perdu du terrain, diminuant de 27 % (soit 94 millions). Malgré avoir grimpé de 25 % en quatre ans, les revenus numériques n’arrivent pas à contrebalancer la perte du papier (n’augmentant que de 10 millions de dollars).
Considérant que le numérique occupait déjà une plus grande partie des revenus totaux de publicité et de diffusion au Canada qu’au Québec en 2017, il n’est pas surprenant que la croissance de ces types de revenus ait été moins fulgurante à l’échelle du pays qu’à celle de la province. En effet, de 2017 à 2021, la proportion numérique des revenus de publicité (26 % en 2021) et de diffusion (17 % en 2021) par rapport aux revenus papier a augmenté respectivement de 8 et de 6 points seulement.
9. Revenus traditionnels et numériques de publicité et de diffusion des magazines au Canada de 2017 à 2021*
Ces chiffres, rappelons-le, ont trait à tous les magazines, qu’ils soient d’intérêt général ou spécialisés. Voyons ce qu’il en est des revenus publicitaires pour ceux destinés au grand public. Leur chute atteint 70 % depuis 2016 et 88 % depuis l’année 2003. Ces périodiques ne reçoivent plus que 0,4 % de l’ensemble des sommes que les annonceurs dépensent dans les médias. Cette part s’élevait à 7 % en 2003.
10. Revenus publicitaires des magazines d’intérêt général au Canada
Mise à jour : mai 2023
Notes
[1] L’enquête de Statistique Canada est menée aux deux ans, les années impaires. ↑
[2] Statistique Canada recommande toutefois une certaine prudence au moment de comparer ces chiffres en raison de changements méthodologiques à sa collecte de données à partir de 2013. ↑
[3] La somme disponible a été majorée à 107 millions en 2021-2022 en raison des effets de la COVID-19 et rediminue progressivement depuis, étant prévue à un peu plus de 87 millions jusqu’en 2024-2025 inclusivement selon les Plans ministériels de 2022-2023 et de 2023-2024 du Gouvernement du Canada. ↑
[4] Groupe TVA, Rapport de gestion pour le quatrième trimestre 2022. ↑
[5] En 2017, Infopresse a changé de source de données, passant d’Ad Dynamics à Numerator. Nous incluons tout de même ces données à titre indicatif. Nous projetons les revenus subséquents en appliquant la part québécoise de 28,6 % des revenus canadiens rapportés dans la publication Net Advertising Volume de ThinkTV pour 2017 sur les montants canadiens annuels subséquents.↑
[6] Groupe TVA, Rapport de gestion pour le quatrième trimestre 2022.↑