En 2022, les hebdomadaires québécois publient environ 2,5 millions d’exemplaires chaque semaine, comparativement à 3,4 millions en 2019. Cela marque une baisse importante par rapport aux 6,2 millions de 2011. Nous sommes passés de 200 titres à 100, au gré de fusions, de fermetures et de transformations en bimensuels ou mensuels1. En 2023, il n’y a plus que 91 hebdomadaires au Québec. Une très grande portion des éditeurs de telles publications a opté pour la gratuité. Elles sont distribuées aux portes des foyers du territoire qu’ils couvrent, le plus souvent dans le Publisac. Mais une personne peut fort bien recevoir de la sorte un journal et ne pas s’y intéresser.
Selon Vividata, en 2022, 33 % des Québécois de 18 ans et plus lisent un hebdomadaire pendant une semaine type, qu’il s’agisse d’une version imprimée ou numérique2. Sur une base mensuelle, la proportion grimpe à 49 %3. Ces résultats sont inférieurs aux moyennes canadiennes (sans le Québec) qui atteignent 41 % dans le premier cas et 56 % dans le second. Un Québécois sur cinq ne les fréquente jamais4.
À titre de comparaison, mentionnons qu’il y a 45 % de la population québécoise qui déclare avoir lu un quotidien hier en semaine (du lundi au vendredi) et 69 % en ce qui concerne l’ensemble de la semaine5.
1. Proportion de lecteurs réguliers des hebdomadaires locaux (lu au cours de la dernière semaine) et de lecteurs au cours du derniers mois, Québec et reste du Canada, de 2017 à 2022
Ces taux ont évolué à la baisse par rapport à 2017 : de 20 points de pourcentage au Québec et de 7 et 9 points dans le reste du Canada. Malgré la légère remontée au Québec en 2020, la tendance à la baisse se maintient dans les deux marchés depuis ce temps. La plus grande popularité observée au Québec en 2017 rejoint celle constatée lors de sondages conduits en 2014 et 1999 par le ministère de la Culture et des Communications du Québec (MCCQ). Selon ces enquêtes, les hebdomadaires régionaux étaient également suivis chaque semaine par environ la moitié de la population7.
2. Fréquence de lecture des hebdomadaires régionaux (formats papier et numérique combinés) du Québec en 2014, selon l’âge
Les sondages conduits conjointement par le Reuters Institute for the Study of Journalism et le Centre d’études sur les médias attestent également d’un certain déclin. La proportion de Canadiens francophones8 ayant utilisé un hebdomadaire pour s’informer au cours de la dernière semaine est passée de 24 % en 2016 à 22 % en 2017, puis 20 % en 2018, où il est resté stable jusqu’en 2022, à l’exception d’une brève baisse à 16 % en 2021. En 2023, ce sont 17 % des Canadiens de langue française âgés de 18 ans et plus mentionnent avoir utilisé un hebdomadaire local ou régional pour s’informer au cours de la dernière semaine9.
Que s’est-il produit ces dernières années qui puisse expliquer une telle chute du lectorat ? Et bien, les revenus publicitaires, qui représentent 98 % des recettes du secteur, ont chuté de 32 % entre 2016 et 2021. Une partie des budgets des annonceurs a déserté au profit des moteurs de recherche, médias sociaux et autres plateformes non médiatiques. Il s’en est suivi une réduction de l’offre : le tiers des 168 hebdomadaires régionaux ou de quartiers qu’on dénombrait en 2015 avaient disparu au début de 2020. En 2023, on n’en compte plus que 91, suivant le passage des nombreux hebdos de Métro Média à un mode de publication bimensuel ou plus espacé encore. Le nombre d’exemplaires a diminué de 41 % pendant la période. Le groupe TC Transcontinental qui éditait 62 % des titres a quitté le secteur en 2018. Le propriétaire le plus important en détient aujourd’hui 21 %. Les nouveaux propriétaires possèdent moins de ressources financières pour affronter les moments difficiles. La qualité de ces publications en a souffert. Tout cela explique la désaffection de nombreux lecteurs.
Revenons à l’analyse de la situation actuelle. La proportion de lecteurs réguliers est plus grande chez les plus âgés, comme cela se constatait dans l’étude du MCCQ en 2014 que nous venons de présenter. Quatre sur dix Québécois âgés de 65 ans et plus consultent chaque semaine leur hebdomadaire local comparativement à environ trois sur dix chez tous les autres groupes d’âge. Alors que les années précédentes, le lectorat semblait croître avec l’âge, l’écart entre les groupes d’âge de moins de 65 ans s’est rétréci en 2022. La proportion de lecteurs réguliers d’hebdos âgée de 18 à 24 ans a augmenté de 8 points, alors que celle de 35 à 49 ans a baissé de 7 points.
3. Proportion de lecteurs réguliers des hebdomadaires locaux (lu au cours de la dernière semaine) au Québec, selon les groupes d’âge, de 2017 à 2022
Au Québec, les hommes se tournent plus vers les hebdomadaires que les femmes. Leur lectorat augmente lentement depuis 2019, alors que celui des femmes est à la baisse. En 2022, l’écart de 11 points entre les deux groupes est le plus grand depuis 2017.
4. Proportion de lecteurs réguliers des hebdomadaires locaux (lu au cours de la dernière semaine) au Québec, selon le genre, de 2017 à 2022
On remarque aussi des différences notables selon la taille du milieu de vie.
5. Proportion de lecteurs réguliers des hebdomadaires locaux (lu hier en semaine) selon la taille des marchés, de 2017 à 2022
Les personnes qui résident dans un marché comptant moins de 100 000 habitants, comme c’est le cas de 29 % de la population adulte québécoise, sont nettement plus intéressées par ce type de publication. Quatre adultes sur dix y lisent régulièrement le journal local. Celui-ci et la station de radio du milieu sont le plus souvent les seuls médias à y traiter de l’actualité de proximité.
Le marché le plus populeux est toutefois celui de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Montréal, qui comprend la moitié (50 %) de la population adulte du Québec. Les concurrents de la presse hebdomadaire y foisonnent : 4 quotidiens10, 6 réseaux de télévision et une trentaine de stations de radio. Cependant, bien peu de ces médias couvrent ce qui se passe dans les différentes localités de la région. Leur attention se porte plutôt sur les sujets qui peuvent intéresser l’ensemble de la région ou même, pour ceux dont le rayonnement est provincial, le Québec en entier. C’est pourquoi le taux de lecteurs réguliers des publications hyperlocales y est un peu plus élevé que dans les marchés de taille moyenne comme les RMR de Québec, de Gatineau, de Sherbrooke, de Trois-Rivières et de Saguenay, quoiqu’il reste beaucoup plus bas que celui des régions moins populeuses, chez qui l’attachement des résidents aux hebdos locaux est fort. Bien que les marchés de taille moyenne aient normalement une plus grande identification communautaire que celui de Montréal, les stations de télévision, les quotidiens et les radios qu’on y retrouve consacrent une bonne part de leur travail journalistique aux sujets locaux. Ainsi, cela explique pourquoi les hebdos y ont moins de lecteurs assidus.
Les enquêtes de Vividata n’abordent pas la question du support employé pour lire un hebdomadaire, contrairement à celles du Reuters Institute for the Study of Journalism et du Centre d’études sur les médias. Il ressort de ces dernières que, parmi ceux qui s’informent avec les journaux hebdomadaires11 plus de la moitié (56 %) des lecteurs de langue française n’utilisent que les éditions imprimées. Cette proportion était de 72 % des lecteurs en 2019. Celle du public qui ne recourt qu’au numérique est, elle, en augmentation depuis 2018, atteignant 30 % en 2023.
Mise à jour : juin 2023
Notes
[1] Information tirée d’une enquête du Centre d’études sur les médias. Été 2022. Le nombre d’hebdomadaires était de 120 en 2019. L’enquête sur le statut actif des hebdomadaires a été mis à jour à nouveau à l’été 2023.↑
[2] Nous utilisons les données de Vividata Hiver 2023, dont l’enquête a été menée d’octobre 2021 à septembre 2022 (12 mois) dans les marchés principaux et d’octobre 2020 à septembre 2022 (24 mois) dans les marchés locaux. Trois marchés principaux concernent le Québec : Montréal, Ottawa-Gatineau et Québec. On parle des personnes de 18 ans et plus ayant lu un hebdomadaire régional (papier ou numérique) pendant la dernière semaine. ↑
[3] Personne ayant lu un hebdomadaire régional (papier ou numérique) pendant le dernier mois. ↑
[4] La donnée est de 16 % à l’échelle canadienne (en excluant le Québec). Mentionnons qu’une autre tranche de la population a lu un hebdomadaire il y a plus longtemps qu’au cours du dernier mois. ↑
[5] Données provenant de Vividata Hiver 2023, 18 ans et plus. ↑
[6] Les enquêtes ont été menées pendant les périodes suivantes. Hiver 2018 : d’octobre 2016 à septembre 2017 (12 mois). Hiver 2020 : de juillet à décembre 2018 (6 mois) et d’avril à septembre 2019 (6 mois). Hiver 2021 : d’octobre 2019 à septembre 2020 (12 mois). Hiver 2022 : d’octobre 2020 à septembre 2021 (12 mois) dans les marchés principaux et d’octobre 2019 à septembre 2021 (24 mois) dans les marchés locaux. Hiver 2023 : d’octobre 2021 à septembre 2022 (12 mois) dans les marchés principaux et d’octobre 2020 à septembre 2022 (24 mois) dans les marchés locaux. Trois marchés principaux concernent le Québec : Montréal, Ottawa-Gatineau et Québec. La méthode de collecte de Vividata ayant été substantiellement modifiée en 2019, il faut faire preuve d’une grande prudence au moment de comparer les résultats. ↑
[7] Les enquêtes s’adressaient cependant aux personnes de 15 ans et plus. ↑
[8] L’échantillon est composé, chaque année, à au moins 93 % de résidents du Québec. En 2023, chez les Canadiens anglophones, ce type de publications, appelées community newspapers, rejoint 14 % des personnes interrogées. Personnes de 18 ans et plus. ↑
[9] L’écart entre les résultats de Vividata et ceux cette enquête est sans doute attribuable au fait que cette dernière porte sur de très nombreux produits de consommation alors que celle du Reuters Institute concerne nommément l’information. On peut consulter ces journaux autrement que pour s’informer. ↑
[10] Montréal a perdu deux quotidiens dans les dernières années. Métro n’a plus qu’une édition papier par semaine depuis juin 2022, mais il publie encore des nouvelles quotidiennement en ligne. Le gratuit 24 heures est devenu un magazine hebdomadaire en février 2021, avant de passer uniquement aux contenus web en mars 2023. ↑
[11] Personnes ayant utilisé un hebdomadaire ou un autre journal local ou régional pour accéder aux nouvelles au cours de la semaine précédant l’enquête. ↑