Presse quotidienne

Il y a peu, nous proposions deux indicateurs différents pour rendre compte de l’importance de chacun des groupes de presse : le tirage et le lectorat des quotidiens appartenant à chacun. Toutefois, comme The Record ne soumet pas son tirage à une vérification externe et que les autres ne confient pas cette tâche à la même organisation, nous nous en tiendrons à la mesure du nombre de lecteurs. Parce qu’il totalise l’ensemble des personnes qui entrent en contact avec ce qu’un groupe publie, cet outil reflète mieux son ère d’influence. De surcroît, cette mesure présente l’avantage d’être réalisée par une seule entreprise, Vividata en l’occurrence.

L’appréciation du lectorat ne traduit par ailleurs pas complètement l’influence que peuvent avoir un titre et son propriétaire. Les salles imposantes de La Presse et du Journal de Montréal leur permettent de traiter un grand éventail de sujets et de le faire avec une certaine profondeur (notamment par des analyses et commentaires). De ce fait, ils sont susceptibles d’exercer une influence plus marquée sur les débats publics que les anciens quotidiens gratuits 24 heures et Métro1.

Depuis le début des années 2000, après que Gesca (Power Corporation) ait acquis trois quotidiens du défunt groupe Hollinger, deux entreprises, Québecor et Gesca, cumulaient quelque 70 % du lectorat des quotidiens québécois. La vente en mars 2015 par Gesca de ses six publications régionales au Groupe Capitales Médias2 répartit ses parts de marché entre deux acteurs plutôt qu’un seul. La propriété des quotidiens québécois francophones s’en trouve moins concentrée. Gesca s’est depuis départi de son dernier journal, La Presse, qui a été cédé en juillet 2018 à l’organisme à but non lucratif La Fiducie de soutien à La Presse. En janvier 2020, les six titres du Groupe Capitales Médias — qui s’était placé sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers — ont été acquis par des coopératives de travailleurs, fédérées par la nouvelle Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i). Ces six coopératives de la CN2i fusionnent enfin, sous ce nom, pour devenir une seule organisation à but non lucratif en mars 2023.

Tout cela n’a rien changé quant à la position de Québecor, qui demeure l’acteur dominant. Québecor ne possède que deux titres (les deux payants), mais ceux-ci totalisent 42 % des lecteurs de la presse quotidienne pendant que La Presse, son plus proche rival, en retient 23 %. La Coopérative nationale de l’information indépendante (CN2i) et Le Devoir en rejoignent environ 14 %. Quelque 6 % des lecteurs de quotidiens fréquentent la Montreal Gazette.

1. Nombre de lecteurs des quotidiens québécois selon la propriété au Canada (2022)
Propriété Titres Lectorat*  
    Nombre de lecteurs  Parts (%)
Québecor Le Journal de Montréal 2 738 000 41,8 % 
Le Journal de Québec 1 567 000
Total Québecor 4 305 000
La Presse La Presse*** 2 359 000 22,9 %
CN2i La Tribune 104 000 14,9 %
La Voix de l’Est 46 000
Le Nouvelliste 133 000
Le Soleil 1 004 000
Le Quotidien 95 000
Le Droit 148 000
Total CN2i 1 530 000
Le Devoir inc. Le Devoir 1 445 000 14,0 %
Postmedia Network Montreal Gazette 660 000 6,4 %
Glacier Ventures International The Record N.D.  
Total 12 quotidiens 10 299 000 100,0 %

* Il s’agit du nombre de personnes ayant feuilleté ou lu au moins une édition soit en format papier, en ligne ou par l’intermédiaire d’une application pour tablette ou téléphone intelligent pendant une semaine de publication. Un lecteur peut être considéré plusieurs fois s’il lit plusieurs quotidiens distincts.
** Puisque La Presse n’a pas fait l’objet d’une telle évaluation depuis l’automne 2020, nous avons utilisé les dernières données disponibles.
Source : Compilation du CEM à partir de Vividata Hiver 2022, sauf pour La Presse qui ne paie plus pour les services de Vividata. Pour ce dernier, nous utilisons l’enquête de l’automne 2020 qui s’est déroulée de juillet 2019 à juin 2020.

Pour le moment, peu de données permettent de bien saisir l’impact sur les quotidiens des nouveaux acteurs en ligne, dont les sites d’information affiliés à des entreprises traditionnellement extérieures à l’écrit (radio-canada.ca, tvanouvelles.com…). Le Huffpost Québec, lancé en février 2012, a employé jusqu’à une dizaine de journalistes et attirait, à son cinquième anniversaire en 2017, 1,3 million de visiteurs uniques par mois2. Il a toutefois mis fin à ses activités au Québec en mars 2021.

Mise à jour : novembre 2023

Notes

[1] Métro n’avait plus qu’une édition papier par semaine à partir de juin 2022 jusqu’à la suspension de ses activités en août 2023. Le gratuit 24 heures est devenu un magazine hebdomadaire en février 2021, avant de passer uniquement aux contenus web en mars 2023.

[2] L’ancien député et ministre fédéral Martin Cauchon était l’unique actionnaire de l’entreprise créée aux fins de cette acquisition.

[3] Information tirée du texte de Papineau, Philippe, « Le « Huffington Post Québec » fête ses cinq ans », Le Devoir, 10 février 2017.